Filippo Sorcinelli n’est pas un tailleur typique du Vatican. Selfies torse nu, tatouages audacieux et style avant-gardiste définissent son image publique. Pourtant, ce créateur ouvertement gay a confectionné plus de 70 vêtements sacrés pour les deux derniers papes, à l’instar du pape François.
Un paradoxe ? Peut-être. Mais son histoire est tout sauf ordinaire. À 51 ans, Sorcinelli est devenu une légende de la mode religieuse. Son parcours a débuté en 2008 avec sa première création pour le pape Benoît XVI. Depuis, il a travaillé en étroite collaboration avec le Vatican, notamment avec l’Office des célébrations liturgiques. Son atelier, LAVS (L’Atelier Vesti Sacre), est aujourd’hui mondialement reconnu pour sa fusion de la tradition sacrée et de l’art contemporain.
Filippo Sorcinelli a habillé 20 fois le pape François

Des robes complexes à la mitre pointue portée aux funérailles de Benoît XVI, les créations de Sorcinelli sont reconnaissables entre toutes. Le pape François a porté plus de 20 de ses créations. Benoît XVI en possédait plus de 50. Chaque pièce reflète le dévouement, la précision et des heures de travail délicat parfois jusqu’à 1 000 heures pour une seule parure.
Mais ces vêtements ne sont pas seulement des chefs-d’œuvre visuels. Ce sont des expériences multisensorielles. Filippo imprègne ses œuvres d’un parfum d’encens, conçu pour réveiller des souvenirs spirituels. Lorsqu’un prêtre ou un pape enfile une de ses robes, son odeur à elle seule peut le transporter jusqu’à la basilique Saint-Pierre.
Ses prix reflètent le travail fourni : entre 1 000 et 7 000 € par pièce. Qu’il s’agisse d’une messe en plein air à L’Aquila ou d’un événement papal majeur sur la place Saint-Pierre, chaque parure est personnalisée, significative et unique.
Le paradoxe entre le créateur gay et le Vatican

Ce qui distingue Sorcinelli, ce n’est pas seulement son savoir-faire. C’est le contraste saisissant entre son identité personnelle et l’institution qu’il sert. Son Instagram raconte une histoire différente : cuir, art corporel, angles sensuels. Il ne cache pas qui il est. Et pourtant, le Vatican continue de faire appel à lui.
Dans une Église connue pour ses positions conservatrices sur les questions LGBTQ+, notamment suite aux récentes critiques du pape François pour son langage homophobe, le rôle de Sorcinelli est frappant. Certains y voient une contradiction. D’autres y voient une révolution silencieuse. La plupart admirent simplement la beauté qu’il apporte aux lieux sacrés.
S’adressant à DW News, Sorcinelli a déclaré : « L’Église ne doit reculer devant rien. Elle doit tout affronter sans crainte. Cela fait partie du message chrétien.» Sa présence peut être controversée, mais son art continue de définir les symboles les plus visibles de l’Église catholique.