Abdoul Aziz Goma, prisonnier politique détenu à la Prison Civile de Lomé, a annoncé le début d’une grève de la faim illimitée à compter du mercredi 27 août 2025. Dans une lettre profondément émouvante adressée au professeur David Dosseh, coordinateur du mouvement citoyen Togo Debout, Goma décrit les conditions alarmantes auxquelles sont confrontés les détenus politiques au Togo et appelle à une intervention nationale et internationale urgente.
Goma est emprisonné depuis 2018. Il déclare avoir subi des tortures ayant entraîné une paralysie partielle et la perte de l’usage de ses jambes. Sa lettre détaille les violations généralisées des droits humains, notamment les arrestations arbitraires, les procès inéquitables, les tortures physiques et psychologiques et les conditions de détention inhumaines. Il révèle que de nombreux prisonniers politiques sont détenus sans justification légale, sans soins médicaux adéquats ni contact avec leurs familles.
La lettre mentionne également des cas spécifiques d’abus, notamment le décès d’un codétenu nommé Karrou Wawim en février 2025, et des informations faisant état de femmes séparées de leurs nourrissons. Abdoul Aziz Goma appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, à des enquêtes indépendantes sur les violations des droits humains et à des réparations pour les préjudices physiques et moraux subis.
Citant de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par le Togo, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention des Nations Unies contre la torture, Goma appelle les institutions africaines et internationales à envoyer des missions d’observation dans les prisons togolaises et à demander des comptes aux autorités.
La lettre d’Abdoul Aziz Goma, détenu politique à la Prison Civile de Lomé
Objet : Demande urgente d’intervention pour la libération des détenus politiques et la fin des violations des droits humains
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À l’attention du Professeur David Dosseh (Togo debout)
Je vous écris pour attirer votre attention sur la situation alarmante qui touche les détenus politiques au Togo, dont je fais partie. Certains comme moi y sont depuis des années et d’autres depuis les manifestations de juin et juillet 2025. Nous avons été arrêtés de manière arbitraire, sans aucune preuve ni justification légale. Nous avons subi des actes de torture, des traitements inhumains et cruels, et sommes détenus dans des conditions déplorables qui ont entraîné la perte de vies humaines.
Je lance un appel urgent à la communauté internationale, et notamment à votre institution pour intervenir en faveur de la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Je souhaite également l’ouverture d’une enquête approfondie et indépendante sur les actes d’arrestation arbitraires, les tortures et les traitements cruels dont nous avons été victimes. Ces enquêtes doivent être menées par des entités internationales, indépendantes et impartiales, afin de garantir la transparence et la justice.
Pour être plus concret, je vous annonce qu’à partir de ce 27 août 2025, j’entame une grève de la faim illimitée pour dénoncer la répression systématique que nous avons subies et subissons encore, nous les prisonniers politiques au Togo, et appuyer les demandes susmentionnées. Nous demandons entre autres :
La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques,
La fin des actes de torture et des traitements inhumains dans les lieux de détention,
L’ouverture d’enquêtes indépendantes sur les nombreuses violations des droits humains,
L’intervention urgente des institutions nationales et internationales compétentes.
De nombreux autres détenus politiques subissent les mêmes persécutions et, certains depuis des années. Plusieurs d’entre nous sont gravement malades, sans accès aux soins et d’autres sont morts dans le silence et l’anonymat total.
Nous résumons ce que nous vivons :
Arrestations arbitraires sans mandat ni charges légales,
Procès inéquitables ou absence totale de jugement,
Tortures physiques et psychologiques : coups, électrocutions, isolements prolongés,
Conditions de détention inhumaines : prisons surpeuplées, insalubres, sans soins médicaux.
Des cas concrets sont :
Je suis l’un des prisonniers, arrêté en 2018, et j’ai actuellement perdu l’usage de mes jambes suite à des séances de torture,
D’autres , pères de famille, dont le dernier au nom de Karrou Wawim est décédé en date du 07 février 2025.
L’un de nous, prisonnier, arrêté en 2023, a perdu l’usage de ses jambes suite à des séances de torture tout comme moi qui suis aussi incapable de faire usage de mes membres inférieurs suite aux tortures.
Un autre, père de famille, est en isolement total depuis plus d’un an, sans aucun accès à un avocat ni à sa famille.
Des femmes ont été arrêtées et torturées. Deux parmi elles ont été arrachées à leur nourrisson de moins de 5 mois et un an.
Dans ma plainte pour actes de tortures, de traitements cruels Inhumains et dégradants contre les agents du Service central de recherches et d’investigation criminelles (SCRIC) du 14 juin 2021, j’ai détaillé les tortures que j’ai subies. Je l’enjoins en pièce jointe à cette note.
Bien que le Togo soit un pays qui fait fi des droits humains malgré sa ratification des normes internationales, je voudrais tout de même rappeler les différents textes ratifiés par le pays et au nom desquels vous avez l’obligation de nous venir en aide.
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) :
Article 5 : Interdiction de la torture
Article 9 : Interdiction de la détention arbitraire
Article 10 : Droit à un procès équitable
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP)
Convention contre la Torture (ONU)
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP)
Cour de Justice de la CEDEAO, Cour Pénale Internationale (CPI), Comité contre la torture (ONU)
Les traitements subis ont des conséquences désastreuses sur nous en tant qu’humain.
Notre santé est détruite : fractures, maladies aggravées, dépression aiguë et bien d’autres,
Nos familles sont brisées : enfants sans repères, perte de revenus, stigmatisation.
Nous n’avons plus d’avenir car nous subirons l’exclusion professionnelle et sociale puisqu’il n’y a aucun programme viable de réinsertion socioprofessionnelle pour les anciens détenus au Togo.
Pour tous ces motifs, je réitère encore une fois mon appel pour une mobilisation immédiate. Votre institution qui à a cœur le respect des droits humains, inaliénables et imprescriptibles ne peut fermer les yeux sur les violations flagrantes auxquelles nous faisons face jusqu’à perdre nos vies.
Je vous prie solennellement de bien vouloir user de tous les instruments dont vous disposez afin qu’une mission d’observation dans les prisons togolaises soit envoyée et exiger des comptes aux autorités.
En outre, nous exigeons des réparations sous forme d’indemnisation pour les souffrances physiques, psychologiques et morales que nous avons endurées, ainsi que pour les préjudices causés à nos familles.
Cette situation ne peut plus durer. Nous comptons sur votre soutien pour mettre fin à ces injustices. Une pression internationale forte est essentielle pour que les autorités locales prennent des mesures concrètes pour nous libérer et garantir nos droits humains.
Nous vous remercions par avance pour votre action et attendons avec espoir que notre appel soit entendu.
Cordialement,
Abdoul Aziz GOMA