Le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD) ce jeudi 29 mai 2025, à Abidjan. Il succède au Nigérian Akinwumi Adesina, après un processus électoral organisé par le Conseil des gouverneurs de la BAD, réunissant ministres des Finances et responsables de banques centrales du continent.
Ancien ministre de l’Économie de Mauritanie et jusqu’à récemment président de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), Sidi Ould Tah a su convaincre une large majorité des votants. Après un second tour serré, il a finalement remporté la présidence avec 72 % des droits de vote africains, devançant le Zambien Samuel Maimbo.
Malgré la forte mobilisation de l’équipe de Maimbo, Sidi Ould Tah a bâti une stratégie efficace, bénéficiant de l’appui déterminant de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire, mais aussi de soutiens internationaux majeurs, comme la France et l’Espagne. Face à d’autres poids lourds de la course, tels que le Sénégalais Amadou Hott, il a mené une campagne discrète mais décisive, marquée par une intense diplomatie régionale.
Un leader forgé par l’expérience internationale
Âgé de 60 ans, Sidi Ould Tah est un économiste formé à l’Université de Nice. Il débute sa carrière en Mauritanie, avant de prendre son envol au niveau international, notamment à Khartoum, au sein de l’Autorité arabe pour l’investissement et le développement agricole. Mais c’est à la Banque islamique de développement, en Arabie saoudite, où il officie en tant que conseiller du président, que sa carrière prend une nouvelle dimension.
De retour en Mauritanie en 2008, il est nommé ministre de l’Économie dans un contexte politique complexe. Il conservera ce poste pendant sept années, traversant même un coup d’État. Durant cette période, il joue un rôle clé dans la maîtrise de l’inflation et le renforcement des réserves de change du pays.
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Un passage remarqué à la tête de la Badea
En 2015, il prend les rênes de la Badea, alors en perte de vitesse. Grâce à son leadership, la banque connaît une profonde transformation : déblocage plus rapide des fonds, amélioration de l’efficacité des projets, modernisation des processus… Les résultats sont impressionnants : les financements accordés sont multipliés par 12, les décaissements par 8. Il repositionne aussi l’institution en Afrique de l’Ouest, en soutenant notamment la BOAD.
Une vision claire pour l’Afrique de demain
Sidi Ould Tah souhaite entamer son mandat à la BAD par une vaste consultation de l’ensemble des parties prenantes États, société civile, secteur privé – dès ses 100 premiers jours, afin de poser les bases d’un développement inclusif et adapté.
Son programme repose sur quatre axes majeurs :
• Innover dans le financement du développement, en multipliant l’effet de levier des fonds disponibles ;
• Renforcer la coordination avec les institutions financières africaines, encore trop fragmentées ;
• Tirer parti de la croissance démographique en insistant sur la formalisation de l’économie ;
• Accélérer les projets d’infrastructures pour une industrialisation durable du continent.
Polyglotte et fin stratège, Sidi Ould Tah incarne une nouvelle génération de dirigeants africains aux parcours hybrides, capables de concilier expertise technique, vision politique et sens du terrain.
Les autres candidats en lice
La compétition a été rude. En plus de Samuel Maimbo, vice-président de la Banque mondiale, figuraient :
• Amadou Hott, ex-ministre sénégalais de l’Économie et ancien envoyé spécial de la BAD pour les infrastructures vertes ;
• Abbas Mahamat Tolli, ancien gouverneur de la BEAC et ex-ministre tchadien de l’Économie ;
• Swazi Tshabalala, seule femme en lice, ex-dirigeante de la BAD et soutenue par l’Afrique du Sud.
Sidi Ould Tah prendra ses fonctions le 1er septembre 2025 pour un mandat de cinq ans. L’enjeu est immense, dans un contexte où l’Afrique cherche à renforcer sa souveraineté économique et accélérer sa transformation structurelle.