Session du Comité de droits de l’enfant : Le Togo Présente ses Rapports
Lomé, 16 septembre 2023 (Lomé Actu) – La 94ème session du Comité des droits de l’enfant qui s’est tenue le 14 septembre à Genève a été l’occasion pour la délégation togolaise de présenter les 5ème et 6ème rapports périodiques du Togo sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant et du protocole facultatif relatif à l’implication des enfants dans les conflits armés.
À la tête de cette délégation se trouvait la Ministre Adjovi Lolonyo Apédoh-Anakoma, qui a prononcé une déclaration liminaire importante lors de cette présentation.
A travers l’officielle, le Togo a eu l’opportunité de mettre en avant ses avancées et ses engagements en matière de droits de l’enfant, tout en présentant les défis auxquels le pays est confronté dans ce domaine crucial.
Voici la déclaration intégrale de la Ministre Adjovi Lolonyo Apédoh-Anakoma
« Madame la Présidente du Comité des droits de l’enfant,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité,
Mesdames et Messieurs, C’est un honneur pour moi de conduire la délégation de la République togolaise à la quatre-vingt quatorzième session du Comité des droits de l’enfant et de m’adresser à votre
auguste Comité, pour une interaction mutuellement enrichissante sur les 5ème et 6ème rapports périodiques du Togo au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que sur le rapport initial portant sur le protocole facultatif relatif à l’implication des enfants dans les conflits armés.
La présente rencontre avec le comité, s’inscrit dans le sens et l’esprit du fort attachement de mon pays à l’Etat de droit et au respect des droits de l’homme en général et des droits de l’enfant en particulier. Nous y accordons la plus grande importance, car elle nous conduit à faire le point sur l’ensemble des droits de l’enfant, leur effectivité et leur protection dans notre pays.
Les rapports soumis à examens sont le résultat d’un processus inclusif de consultation nationale dans lequel, les structures étatiques et les acteurs de la société civile ont contribué à la collecte des informations.
J’adresse mes remerciements aux Agences du système des Nations Unies, notamment l’UNICEF et le PNUD ainsi qu’aux organisations de la société civile tant internationales que nationales et à toutes les bonnes volontés qui ont contribué de quelque manière que ce soit aux côtés de la Commission interministérielle de rédaction des rapports et de suivi des recommandations sur les droits de l’homme.
La qualité de la délégation multisectorielle qui m’accompagne constitue d’ailleurs une illustration de la mobilisation de mon pays et de l’importance qu’il accorde aux droits des enfants et à la collaboration avec le Comité.
Madame la présidente,
Nous sommes conscients que les efforts consentis par le Togo dans le domaine de la protection des droits de l’enfant sont perfectibles, car le monde dans lequel nous évoluons et dans lequel nos enfants évoluent également, est en constant changement. La crise sanitaire liée à la pandémie au COVID 19, les conflits dans le monde, le terrorisme en Afrique, les enjeux liés au dérèglement climatique et ceux relatifs au numérique sont des défis face auxquels nous devons adapter nos ambitions de protection des enfants.
Nous avons accueilli avec la plus grande attention les observations finales formulées par le Comité lors du précédent examen. Avec une volonté politique affichée, ces recommandations ont conduit à de nombreuses évolutions législatives, institutionnelles et réglementaires que nous nous attacherons à vous présenter lors de ce dialogue.
Au Togo, la société civile est systématiquement impliquée dans toutes les questions relatives à la protection de l’enfant. Elle est représentée au sein du Comité national des droits de l’enfant et du cadre de concertation nationale des acteurs de protection des enfants. Elle est également impliquée dans la conception et la production des documents et dans la mise en œuvre des projets, programmes et politiques en lien avec les enfants.
Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs,
Pour améliorer la protection des droits de l’enfant, le Togo intervient concomitamment dans plusieurs secteurs, les uns aussi importants que les autres.
Sur l’enregistrement universel des naissances, il faut dire que le Togo compte 1139 centres d’état civil majoritairement installés dans les cantons et villages ainsi que dans des centres de santé en vue de rapprocher les services de l’état civil des usagers. L’Etat et ses partenaires mènent régulièrement des actions de sensibilisation pour l’enregistrement des naissances. Le taux d’enregistrement des naissances est aujourd’hui de 87%. Ces mesures auxquelles s’ajoute la révision en cours du code de nationalité togolais vont contribuer à lutter contre l’apatridie.
L’adoption en septembre 2020 de la loi relative à l’identification biométrique des personnes physiques au Togo est une mesure qui permettra d’attribuer à toute personne physique togolaise ou résident au Togo, un numéro d’identification unique (NIU).
Grâce à ce mécanisme d’identification fiable et sûr, l’Etat peut s’assurer de l’efficacité des projets/programmes destinés à une population cible ou encore mettre en place de nouveaux services sociaux comme la couverture maladie universelle, le registre social unique et la digitalisation de l’état civil par exemple.
Sur le plan de la santé de l’enfant, il faut noter que la politique nationale de la santé de 2012 et ses plans nationaux de développement sanitaires ont mis un accent particulier sur la réduction de la mortalité néonatale, infantile et juvénile. Pour y parvenir, l’Etat togolais a mis en place des projets et programmes de santé ciblant les enfants. Parmi les mesures prises, nous citons le programme élargi de vaccination (PEV) offrant des vaccins gratuits aux enfants, la subvention de la césarienne adoptée depuis 2012, la prise en charge gratuite du paludisme grave au profit des enfants de moins de 05 ans, le programme national d’accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né (Wézou) mis en œuvre depuis 2022.
Dans le cadre de la lutte contre le VIH, la prise en charge pédiatrique est l’une des priorités du ministère de la santé. Plusieurs initiatives ont été mises en place dans ce domaine dont un plan d’action pour l’accélération du diagnostic précoce et de la prise en charge pédiatrique du VIH pour la période 2023-2026.
Au plan de la protection sociale, nous pouvons citer la mise en œuvre du programme assurantiel en milieu scolaire « School Assur » depuis 2017 et l’assurance maladie universelle instituée par la loi du 18 octobre 2021 qui étend la couverture à toutes les couches sociales.
Pour renforcer la disponibilité du personnel chargé de la santé de la mère et du nouveau-né, le Togo a créé et décentralisé les écoles de formation de sages-femmes dans les 06 régions sanitaires et renforcé les effectifs du personnel qualifié de pratique sages-femmes.
La mise en œuvre de ces mesures a permis de réduire considérablement la mortalité spécifique due au paludisme ainsi que la létalité chez les enfants de moins de 5 ans qui a régressé de 4,08% en 2017 à 2,5% en 2021.
Dans le cadre de la riposte contre le COVID 19, le Togo a adopté un plan d’action de lutte contre la pandémie sur la période d’octobre 2021 à septembre 2022. Dans sa mise en œuvre, le pays a réalisé une très bonne performance à travers l’offre gratuite des services de la prévention, du dépistage, la vaccination et la prise en charge des malades y compris les enfants. Aussi, des directives ont été élaborées pour assurer la continuité de la prise en charge des enfants et nouveau-nés dans tous les hôpitaux, les maternités et les pédiatries pendant cette pandémie.
Dans l’optique de répondre efficacement aux besoins en matière d’éducation des enfants, l’Etat togolais intensifie les investissements dans le secteur de l’éducation. Près de 25% du budget total de l’Etat sont consacrés à ce secteur. L’objectif étant d’assurer pour tous sans distinction, une éducation complète de base efficace et de faire de celle-ci un véritable levier de développement.
Ainsi, dans l’optique de promouvoir l’accès à l’éducation, les mesures suivantes ont été prises. Il s’agit entre autres, de la construction d’infrastructures avec une priorisation des localités et communautés les plus vulnérables, la dotation en équipements didactiques et la distribution des manuels scolaires conformément à la politique du livre ainsi que la suppression des frais de scolarité et d’inscription aux différents examens nationaux.
Pour assurer la qualité des enseignements d’importantes actions ont été menées notamment, la réforme des écoles de formations initiales des enseignants, le recrutement et le déploiement de personnel enseignants et d’encadrement. Ce contingent d’actions a permis d’accroitre le taux brut de scolarisation au primaire qui est passé de 122,4% en 2018 à 132,5% en 2022 avec un taux d’achèvement de 88,7%.
Le cadre normatif des droits de l’enfant en milieu scolaire a également été renforcé. On note à ce titre, outre les dispositions du Code de l’enfant, la note circulaire interdisant toutes les formes de punitions corporelles et châtiments dégradants en milieu scolaire, le code de bonne conduite des personnels des établissements et la loi n° 2022-020 du 02 décembre 2022 portant protection des apprenants contre les violences à caractère sexuel.
Par ailleurs, l’Etat togolais a adopté dès juin 2020 la politique de l’alimentation scolaire. La mise en œuvre de cette politique permet d’offrir aujourd’hui une alimentation équilibrée à 156 000 élèves dans 1013 écoles primaires.
Madame la présidente,
Mesdames et messieurs,
Le Togo a aussi multiplié ses efforts dans la lutte contre les violences faites aux enfants, y compris les pratiques traditionnelles préjudiciables aux enfants, en renforçant notamment son arsenal juridique à travers l’adoption du nouveau code pénal et le code des personnes et de la famille, modifiée en 2014.
Plusieurs mesures programmatiques ont été prises notamment, l’élaboration d’une stratégie nationale de justice pour enfants (2021-2025) qui prévoit la mise en place d’un système de recueil de plaintes donnant la possibilité aux mineurs détenus de porter plainte pour les violences ; l’élaboration d’un programme et des modules sur la parentalité positive à l’intention des parents en vue de lutter contre toutes les formes de violences faites aux enfants.
La mise en œuvre de ces mesures a permis la réduction duséjour des enfants dans les couvents passant de 3 ans à 45 jours ; le retrait entre 2020 et 2022 de 846 enfants des couvents vaudous pour leur scolarisation et leur formation professionnelle ; la prise en charge de 2 762 enfants victimes de violences, dont 1 282 filles entre 2020 et 2022 ; la condamnation de 260 auteurs de violences entre 2016 et 2021.
Pour la lutte contre les violences basées sur le genre (VGB), l’on note la mise en place de centres multifonctionnels dénommés « ONE STOP CENTER » qui offrent aux victimes des VBG une prise en charge intégrée sur le plan sanitaire, psychologique et juridique ainsi que la création de vingt-six (26) centres d’écoute et de conseils en VBG. Par ailleurs, le système intégré de protection de l’enfant composé de la ligne verte « Allô 1011 » a été renforcé en 2018 par une plateforme de signalement des cas de violences par SMS et la promotion de la santé sexuelle et génésique des adolescents.
En matière de lutte contre la traite des enfants, en dehors des dispositions prévues par le nouveau code pénal de 2015, le Gouvernement a pris en 2021, le décret N°2021-104/PR portant création, attribution, organisation et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre la traite des personnes (CNLTP). En application de ce décret, les membres de cette commission ont été nommés par arrêté interministériel N° 004/MASPFA/MSPC/MJL en janvier 2022. Aussi, faut-il noter que depuis 2021, les adolescents et jeunes à risque de traite bénéficient d’une insertion socioprofessionnelle.
S’agissant de la lutte contre le travail des enfants, il faut mentionner l’arrêté n°1556 /MFPTRAPS du 20 mai 2020 déterminant les travaux dangereux interdits aux enfants et prenant en compte de nouvelles formes de travail des enfants ainsi que l’élaboration d’un plan d’action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants (2020-2024).
En ce qui concerne l’adoption des enfants, notons que dans le cadre du projet de loi portant révision du code de l’enfant, les dispositions relatives à l’adoption des enfants ont été recensées et sont en étude en tenant compte de la Convention de La Haye de 1993.
Relativement aux questions des enfants demandeurs d’asile, il convient de relever qu’au Togo, aucun réfugié ou demandeur d’asile ne peut faire l’objet d’un refoulement en vertu de l’article 7 de la loi n°2016-021 du 24 août 2016 portant statut de réfugié au Togo. Ainsi, tous les enfants demandeurs d’asile du Burkina-Faso sont enregistrés comme tels dans la base de données de la Coordination nationale d’assistance aux réfugiés (CNAR) et bénéficient du statut de réfugiés.
En ce qui concerne la justice pour mineur, Il faut noter entre autres, la transformation de la brigade pour mineur de Lomé en Centre CDJE doté d’un air de jeu, la nomination des juges pour enfants dans les 5 Tribunaux de grande instance et dans les 9 tribunaux d’instance à compétence correctionnelle et civile, la nomination des juges des tutelles et de la protection de l’enfant en difficulté ou en danger dans les 16 Tribunaux d’instance à compétence civile. La distribution de deux repas par jour aux mineurs détenus est également une réalité au Togo.
En matière de lutte contre les mauvais traitements, la torture et l’impunité en général au sein des forces de défense et de sécurité, le Togo a créé et rendu opérationnelles des juridictions militaires., en vue de s’assurer de façon plus efficace qu’aucun acte répréhensible commis par les membres des forces de défense et de sécurité, y compris contre des enfants ne reste impuni. D’ailleurs, certains faits commencent déjà par être dénoncés à ses juridictions.
Dans le cadre de la mise en œuvre du protocole Additionnel concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, le Togo reste fidèle à ses engagements internationaux. En effet, il est formellement interdit de recruter les enfants dans les forces armées togolaises (FAT). L’âge minimum pour l’enrôlement dans les forces de défense et de sécurité, toutes catégories confondues, est de 18 ans. Cependant, seules deux écoles militaires sont autorisées à recevoir des enfants de moins de 18 ans.
D’abord, l’Ecole des Services de Santé de Lomé (ESSAL), un établissement d’enseignement supérieur, peut recruter des étudiants de 16 ans, avec l’autorisation parentale, des études en médecine. Ensuite, le Collège militaire Eyadéma (CME), un centre d’éducation scolaire qui observe les mêmes règlements en vigueur dans les centres d’éducation civile sur le respect des droits de l’homme et de protection des enfants, est également autorisé à recevoir des enfants de la 6ème en terminale. Au regard de l’âge minimum fixé pour être inscrit à l’école primaire et qui est de six (06) ans, ces enfants atteignent forcément la majorité au moment où ils arrivent à la fin de leurs cursus scolaire au collège militaire. De même, avec la réforme de 2022, les élèves sortant du collège militaire sont libres d’intégrer l’armée ou de continuer dans la vie civile.
Par ailleurs, il est important de souligner que le Togo n’a pas connu de conflits armés. Cependant, l’on ne saurait passer sous silence la situation qui prévaut actuellement dans le nord Togo, notamment dans la région des savanes. Dans cette partie septentrionale du pays, frontalière du Burkina Faso, les forces de défense et de sécurité (FDS) font face depuis 2021 aux attaques terroristes. En effet, des groupes armés terroristes basés sur le territoire burkinabé, font des incursions sporadiques sur le territoire togolais et s’attaquent aux positions des FDS ou aux populations civiles faisant ainsi des victimes (militaires ou civiles).
Aussi, faut-il le relever, les étudiants de l’ESSAL et les élèves du collège militaire ne sont pas mobilisables et ne peuvent donc participer ni aux hostilités, ni à des opérations enclenchées par les forces de défense et de sécurité à quelque titre que ce soit.
Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs,
La participation du Togo à ce dialogue témoigne de l’engagement des autorités togolaises à progresser sur tous les chantiers au service des droits de nos enfants.
Certes, il existe au Togo une volonté politique de faire progresser les droits de l’enfant et les avancées dans ce domaine sont d’ailleurs importantes et probants. Toutefois, il subsiste des défis et des contraintes que le Gouvernement s’emploie avec détermination à surmonter.
Le gouvernement de la République togolaise reste donc à l’écoute des avis et commentaires de ses partenaires, des organisations de la société civile et des citoyens. Il mesure les progrès qu’il accomplit, s’efforce de maintenir un rythme constant et continuel de réformes pour une plus grande jouissance des droits de l’enfant dans un contexte sécuritaire et sanitaire mondial, régional et sous régional difficile, dans lequel les enjeux liés au dérèglement climatique et ceux liés au numérique ont aussi pris une ampleur imprévisible.
C’est pourquoi, mon pays reste ouvert à toutes formes de coopération dans le cadre de la promotion et de la protection des droits humains, en général et des droits de l’enfant en particulier et souhaite que ce dialogue soit un pas de plus pour une meilleure protection des droits de l’enfant au Togo.
Je vous remercie ».