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Régime parlementaire au Togo : pourquoi Gerry Taama parle d’“impasse politique” ?

Régime parlementaire au Togo : pourquoi Gerry Taama parle d’“impasse politique” ?

Dans un long message publié sur ses réseaux sociaux, l’ancien député Gerry Taama, désormais retraité de la vie politique, dresse un réquisitoire implacable contre le régime parlementaire récemment instauré au Togo. Pour lui, cette réforme constitutionnelle, adoptée en avril 2024, est non seulement inadaptée au contexte togolais, mais risque d’enfermer durablement le pays dans une impasse politique. Explications.

Un régime aux principes nobles… sur le papier

Le régime parlementaire, souvent salué comme un modèle équilibré entre les pouvoirs exécutif et législatif, repose sur un principe fondamental : la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Dans cette configuration, le chef de l’exécutif est généralement issu de la majorité parlementaire et peut être renversé par un vote de défiance.

Gerry Taama reconnaît ces vertus théoriques. Il rappelle que ce système trouve ses racines dans la Magna Carta, et qu’il a permis, dans plusieurs pays, une gouvernance plus collégiale et démocratique. Mais selon lui, le Togo ne possède ni la culture ni les institutions nécessaires pour le faire fonctionner efficacement.

Trois obstacles majeurs identifiés par Gerry Taama

L’ancien parlementaire identifie trois raisons principales pour lesquelles le régime parlementaire ne fonctionne pas dans le contexte togolais actuel.

1. Une Assemblée sans vie parlementaire

Taama déplore le manque de débat au sein de l’hémicycle. Selon lui, durant son mandat, à peine une vingtaine de députés ont pris la parole en plénière. L’absence de moyens (pas d’assistants, pas de budget de recherche) et la formation insuffisante des députés limitent leur capacité à analyser les textes de loi et à interroger l’exécutif.

“On ne peut pas instaurer un régime parlementaire sans une tradition du parlementarisme”, écrit-il.

2. Un gouvernement qui ne joue pas le jeu

Dans un régime parlementaire, les ministres doivent répondre aux interpellations des députés. Or, au Togo, Gerry Taama affirme que ses premières questions orales sont restées sans réponse. Il a dû les convertir en questions écrites, avec peu de résultats. Ce manque de redevabilité de l’exécutif mine, selon lui, l’essence même du parlementarisme.

3. Un Premier ministre effacé

Autre point d’alerte : l’absence du Premier ministre à l’Assemblée nationale. Selon Taama, Mme Victoire Tomégah-Dogbé n’est quasiment jamais intervenue devant les députés depuis la crise du “Vaccingate” en 2021. Une anomalie dans un régime parlementaire, où le chef du gouvernement est censé être présent chaque semaine au Parlement pour défendre ses politiques et répondre aux critiques.

Une réforme qui consacre la fin du débat politique ?

Adoptée le 19 avril 2024, la nouvelle Constitution togolaise met officiellement fin aux élections présidentielles au suffrage universel. Désormais, le chef de l’exécutif est désigné par l’Assemblée nationale, dont la majorité est acquise au parti au pouvoir depuis 1994.

Pour Gerry Taama, cela équivaut à un retour déguisé au parti unique.

“La 5ᵉ République a tué la diversité politique et le débat d’idées. C’est la fin du temps politique.”

Un appel à une nouvelle Constitution

Dans sa conclusion, Gerry Taama appelle à l’adoption d’une nouvelle Constitution inclusive, sur le modèle de celle de 1992, largement approuvée par les Togolais à l’époque.

“Ceci est intenable dans le temps”, écrit-il. “Il faut sortir de cette impasse.”

Aujourd’hui reconverti en menuisier, l’ancien député du Togo affirme ne plus vouloir faire de politique. Mais son message trouve un écho chez une partie de l’opinion, inquiète du rétrécissement de l’espace démocratique dans le pays.

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