Qui est Mathis Dumas, l’homme qui a rendu possible l’Everest à Inoxtag ?
Depuis plus d’un an, le photographe et guide Mathis Dumas a préparé le Youtubeur à grimper au sommet du monde. Pour certains, c’est l’ultime course au clic. Un projet sérieux, selon le professionnel de l’alpinisme.
Dans le milieu de l’alpinisme, Mathis Dumas est connu comme le guide photographe de 30 ans aux clichés esthétiques dont les marques raffolent. Mais pour le grand public, l’Ardéchois, qui vit désormais en face du Mont Blanc, est avant tout le coach d’Inoxtag : l’homme qui a préparé le Youtubeur à son projet d’ascension du plus haut sommet du monde.
Une semaine par mois, le guide initie son protégé, qui compte des millions d’abonnés, à tous les aspects de l’alpinisme, des premières séances de cramponnage aux longues descentes dans la neige, de l’escalade en grande voie à l’escalade d’arête. Et s’il a été surpris par l’engagement et le sérieux de son apprenti, celui qui a aussi dû jouer les gardes du corps face aux assauts des jeunes Chamoniards qu’il rencontrait lors de ses sorties, s’est d’abord montré méfiant lorsque son équipe l’a approché.
« La première fois qu’on m’a dit les mots Everest et YouTubeur, je me suis dit ça sent le bourbier », avoue le guide.
Craignant s’aventurer dans une expédition qui serait le fruit d’une simple recherche de buzz, le photographe s’engage pas à pas. Il propose au jeune de 22 ans, sportif, mais sans aucune culture de la montagne, de s’en imprégner d’abord lors de plusieurs séjours dans les Alpes.
Un élève dévoué
Le gamin de région parisienne accepte et épate très vite. « Inès est l’un des meilleurs clients que j’ai pu avoir. Je n’ai pas besoin de lui montrer 36 fois comment faire un nœud pour qu’il sache ensuite le faire à son tour. Il pige vite et il est surtout très motivé », assure son instructeur, qui, de son côté, a le mérite de composer avec les contraintes imposées par la prise d’images, quasi permanentes, pour alimenter les futurs contenus du vidéaste.
« Je ne suis pas le guide le plus légitime à l’accompagner en Himalaya, mais je suis l’un des rares à pouvoir à la fois gérer la sécurité et comprendre les besoins d’une équipe de production ».
A la découverte de la montagne
Ensemble, ils gravissent dans l’été la Dent du Géant (4013 m), le mont Blanc (4807 m) et le Cervin (4478 m). Des ascensions qui donnent naissance à une première vidéo d’une heure, vue plus de 7 millions de fois. Celui qui s’est fait un nom en filmant ses parties du jeu vidéo Fortnite popularise ainsi la montagne auprès de ses fans.
« Il n’y aurait que l’Everest, son projet serait clairement discutable, mais le message qu’il véhicule va bien au-delà du simple défi », estime le guide, qui se reconnaît quelque peu dans le parcours improbable de ce citadin. « Il y a quinze ans, mes parents n’auraient jamais imaginé que je ferai le métier que je fais aujourd’hui. Je vivais au fin fond de l’Ardèche, complètement étranger au milieu, je n’avais aucun contact, mais ça ne m’a pas découragé. Le succès d’Inès est bien plus soudain, mais c’est aussi l’histoire d’un mec qui croit en ses rêves et qui s’en donne les moyens ».
Dans la dernière vidéo publiée par Inoxtag avant qu’il ne décolle le mercredi 10 avril en direction du Népal et qu’il ne coupe tous ses réseaux sociaux pour au moins un mois et demi, le Youtubeur encourage ces suiveurs à lâcher leurs écrans.
« J’ai envie que toi aussi tu sortes, que tu fasses des choses et que tu ne fasses pas que regarder quelqu’un faire », lance-t-il à sa communauté qui espère que son guide l’aura suffisamment préparé pour une ascension qui, un siècle après la tragique tentative de Mallory et Irvine , n’est plus à proprement parler un exploit, mais reste un accomplissement personnel.
Enfin prêts
Qu’ils se rassurent, Mathis Dumas ne pensait pas lui-même que l’idole de nombreux jeunes serait aussi affûté au moment de s’attaquer au toit du monde. Convaincu par sa progression, le guide l’a emmené l’automne dernier au Khumbu, tout proche de l’Everest, pour grimper Le Lobuche Peak (6119 m) et l’Ama Dablam (6812 m). Un premier contact avec la très haute altitude qui a permis à la cordée de prendre ses repères et de s’enlever un peu de stress.
Leur parcours sera désormais le même ou presque que celui suivi chaque printemps par les centaines de prétendants au point culminant du globe. Un passage à Katmandou et un trek d’acclimatation d’au moins une semaine jusqu’au camp de base de l’Everest. Là-bas, le duo emprunte une première fois la voie équipée de cordes fixes jusqu’au camp 3, à un peu plus de 7000 m pour s’habituer encore un peu plus à la raréfaction de l’oxygène. Pour bien se reposer, ils redescendront ensuite à pied plus bas que le camp de base, avant de tenter le sommet, si la météo le permet, entourés de deux cadreurs d’altitude, de six sherpas et avec l’aide d’oxygène additionnel. Là-haut, le guide, dont l’une des missions les plus difficiles est de rassurer l’entourage du vidéaste, revêtira surtout sa casquette de chargé de production, en vue d’un documentaire prévu pour septembre prochain.
« Si tu ne le fais que pour la notoriété, tu ne tiens pas »
Un projet qui, contrairement à ce que laisse penser l’abattage médiatique dont a fait parfois l’objet Inoxtag, ne s’inscrit pas dans une course au clic malsaine.
« Pour Inès, atteindre le sommet n’est pas fondamental. S’il échoue, son ego en prendrait probablement un coup, mais il a le sentiment d’avoir appris tellement en montagne, qu’il en sortira forcément grandi », insiste celui devenu son “frérot” des cimes.
Comme tout alpiniste avisé, Inoxtag a compris que le voyage est la récompense. La star d’Internet, qui a capitalisé sur ce projet en nouant des partenariats, notamment avec Nike, a développé un amour sincère pour l’alpinisme.
« Quand tu dois t’imposer des efforts aussi longs et des bivouacs aussi inconfortables, si tu ne le fais que pour la notoriété, tu ne tiens pas », promet son mentor. Liés par la corde et l’image, les deux amis ont d’ailleurs déjà prévu de s’attaquer à d’autres sommets, moins fréquentés. L’aiguille Verte à Chamonix, avant de peut-être un jour retourner en Himalaya pour tenter un 8000 m, cette fois sans oxygène, selon la pure éthique montagnarde.