Politique togolaise : Gerry Taama dévoile les « secrets » du maintien au pouvoir

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L’ancien député et président du Nouvel Engagement Togolais (NET), Gerry Taama, livre une analyse sans concession de la politique togolaise après 13 années d’engagement. Dans un témoignage percutant publié sur ses réseaux sociaux, cet acteur de premier plan de l’opposition révèle comment le pouvoir en place maintient, selon lui, systématiquement « une longueur d’avance » sur ses adversaires politiques.

Le parcours politique de Gerry Taama au cœur de l’opposition

Gerry Taama incarne une génération d’opposants qui a marqué la scène politique togolaise des deux dernières décennies. Membre fondateur de la coalition Arc-en-ciel, pilier de CAP 2015, candidat aux élections présidentielles, législatives et municipales, puis député avant son retrait officiel de la politique active, il a vécu de l’intérieur les rouages du système politique togolais.

Son témoignage révèle l’expérience d’un homme qui a participé aux « débats situés au plus haut niveau » du pays. S’il garde pour lui certaines confidences qu’il dit ne dévoiler que dans un éventuel « livre posthume », ses révélations actuelles offrent un éclairage inédit sur les mécanismes du pouvoir au Togo.

L’anatomie du maintien au pouvoir : trois stratégies de domination

1. L’infiltration systématique : quand l’opposition est transparente

La première révélation de Gerry Taama concerne l’infiltration méthodique des mouvements contestataires. Selon l’ancien député, aucune formation d’opposition n’échappe à cette surveillance rapprochée. « Ce qui est décidé au cours des réunions est parfois transmis en temps réel par les correspondants spéciaux aux voisins« , déclare-t-il.

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Cette stratégie ne viserait pas tant à « orienter » les opposants qu’à obtenir une information stratégique permettant d’anticiper leurs actions. L’ancien parlementaire va jusqu’à suggérer que parmi les jeunes leaders actuels de l’opposition, certains pourraient être « traités » par les services du pouvoir.

2. L’intelligence stratégique : David contre Goliath version politique

Le deuxième pilier de cette domination réside dans l’inégalité des moyens intellectuels et techniques mobilisés. Gerry Taama dresse un contraste saisissant entre « quelques amateurs » côté opposition et « les services les plus sophistiqués du monde, avec les plus grands cerveaux » mobilisés par le pouvoir.

Cette supériorité stratégique se manifeste par des études sociales minutieuses précédant chaque décision majeure. L’exemple le plus frappant cité par l’ancien député concerne l’instauration de la Cinquième République : « C’est par une analyse prospective qu’ils ont décidé qu’une cinquième république ne soulèverait pas le peuple. »

Les sondages discrets et les analyses comportementales permettraient ainsi au régime de prendre des mesures en connaissance de cause, minimisant les risques de contestation populaire.

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3. La surveillance électronique totale : Big Brother à la togolaise

Le troisième volet révélé par Gerry Taama touche à la surveillance électronique. Dans un monde où la communication numérique est devenue centrale, le contrôle de ces canaux représente un avantage stratégique décisif. « Tout est sous contrôle, sous écoute, sous surveillance. Nos téléphones sont des livres ouverts« , affirme l’ancien opposant.

Même les restrictions d’internet seraient calculées : si les VPN permettent de contourner certaines limitations, le débit insuffisant empêche notamment la diffusion de « lives locaux », privant l’opposition d’un outil de mobilisation en temps réel.

Le bilan mitigé de l’opposition traditionnelle

Malgré ces révélations accablantes, l’ancien député rend justice aux efforts passés de l’opposition. Il rappelle notamment la marche historique du 14 juin 2012 qui avait rassemblé « au moins 100 000 personnes à Lomé« , démontrant la capacité de mobilisation de l’opposition traditionnelle.

Cependant, il constate avec lucidité que « les mouvements de cette année ont moins d’ampleur que ceux de 2017 et 2018, et surtout ceux de 2012« . Cette érosion de la mobilisation populaire s’expliquerait-elle par l’efficacité des stratégies de contrôle qu’il décrit ?

Entre résignation et espérance : l’appel à la vigilance spirituelle

Face à cet état des lieux préoccupant, Gerry Taama ne sombre pas dans le défaitisme. Puisant dans ses convictions religieuses, il appelle à « cultiver l’espérance, tout en restant éveillé, comme dans la parabole des dix vierges« . Cette référence biblique n’est pas anodine : elle invite à la fois à la patience et à la préparation constante, suggérant que le changement viendra en son temps mais qu’il faut s’y préparer spirituellement et politiquement.

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« Les voisins d’en face aiment le pouvoir et sont prêts à tout pour le conserver. Mais seul Dieu a le dernier mot« , conclut-il avec une pointe d’espoir teinté de foi.

Cette confession politique du menuisier, par sa précision et sa gravité, interpelle sur plusieurs niveaux. Elle questionne la nature même de la démocratie togolaise et les conditions d’exercice de l’opposition dans un système où les rapports de force semblent si déséquilibrés.

L’avenir dira si ces révélations contribueront à sensibiliser l’opinion publique togolaise et internationale sur les réalités du jeu politique au Togo, ou si elles resteront un témoignage de plus dans l’histoire tourmentée de la démocratie togolaise.

Source : Témoignage de Gerry Taama publié sur ses réseaux sociaux