Evala : pourquoi la viande de chien est sacrée dans les rites d’initiation Kabyè ?

Evala : pourquoi la viande de chien est sacrée dans les rites d'initiation Kabyè ?
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Sur les terres accidentées du pays Kabyè, la tradition ancestrale de la lutte Evala continue de former les jeunes hommes à travers des rites d’initiation rigoureux. Au cœur de cette pratique culturelle se trouve un rituel sacré : la consommation de viande de chien. Cette pratique, aujourd’hui polémique, est censée transmettre la force et la ténacité légendaires de l’animal aux aspirants lutteurs.

En 2022, l’ATOP a rapporté que les explications du chef du village de Lama Féying, Bewila Kpatcha. Ce dernier a révélé la profonde signification de cette pratique. « L’initié qu’il le veuille ou non, est tenu de consommer la chair de chien pour acquérir les qualités reconnues à cet animal, notamment le savoir-faire, l’endurance, la ténacité, la force physique et de l’intelligence », a-t-il expliqué. Le rituel se déroule dans l’espace sacré « Ahoyé », strictement interdit aux femmes et aux enfants, où les initiés étouffent leurs chiens selon des protocoles cérémoniels précis.

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Le processus se poursuit par la préparation minutieuse des carcasses. Les crânes ornent les baobabs comme des marqueurs spirituels, tandis que la graisse fondue devient l’outil stratégique du lutteur. « La graisse recueillie est utilisée pour passer sur le corps des futurs lutteurs facilitant ainsi la glissade au moment de la lutte. C’est ce qui fait qu’au cours de la lutte, les Evala puisent la terre dans leurs mains afin de surpasser les difficultés liées aux glissades du corps de leurs adversaires », apprend-on.

La consommation de la viande de chien en période d’Evala, c’est bien plus qu’un repas

Pour la société Kabyè, cette pratique représente bien plus qu’une simple consommation de protéines. C’est une métamorphose physique et spirituelle où les garçons deviennent des guerriers, où les liens communautaires se forgent par le sacrifice partagé. Alors que Kondo se prépare pour son défi « super Evala » avec le prix moto convoité, il porte non seulement une force animale, mais aussi des siècles de sagesse culturelle dans ses muscles et ses os.

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La tension entre la préservation de la tradition et l’adaptation aux influences modernes continue de façonner l’évolution d’Evala. Pourtant, au fond, ce rituel demeure un puissant témoignage de la façon dont l’identité culturelle s’incarne littéralement, une bouchée sacrée à la fois.

Défis modernes aux pratiques ancestrales

Le prêtre traditionnel Awui Kpatchaa exprime des inquiétudes croissantes quant aux écarts par rapport à la pratique sacrée. « Cette règlementation n’est plus de nos jours respectés par les jeunes car ils raffolent la viande du chien pour plusieurs raisons : son goût succulent, appétissant, et aussi pour ses multiples vertus thérapeutiques telles que vertus aphrodisiaques », a déclaré le prêtre. Il prévient que la consommation au-delà de la période d’initiation prescrite de trois ans entraîne des conséquences spirituelles : diminution des forces, maladies et troubles mystiques.

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Malgré les avertissements des anciens, des rapports font état d’un commerce clandestin de viande de chien florissant autour de la saison d’Evala. Cette commercialisation inquiète les gardiens de la tradition, qui la considèrent à la fois comme un sacrilège et une menace pour l’intégrité du rituel.

Pour les jeunes Kabyè, le dilemme est profond. Certains s’accrochent à l’intention originelle du rituel. D’autres succombent à des réinterprétations modernes, attirés par le goût ou les bienfaits perçus. Chaque année, à l’approche de la saison de l’Evala, on assiste non seulement à des compétitions physiques, mais aussi à un véritable combat culturel. L’appel des anciens résonne dans les paysages rocailleux : préserver non pas la viande, mais le sens.