Culture : Un éminent juriste togolais s’insurge contre la censure des contenus obscènes

Lomé, 14 juin 2023 (Lomé Actu) – Un éminent juriste togolais reconnu pour ses prises de position courageuses sur les sujets d’actualité, s’est prononcé sur le communiqué du ministère de la Culture portant sur la censure des contenus artistiques à caractère obscène.

Bibi Pacôme Mougue, l’œil averti de ce juriste a identifié certains dangers liés au communiqué de presse rendu public le 6 juin dernier par le ministre togolais de la culture et du tourisme, Pierre Lamadokou, concernant les chansons et les films à caractère obscène.

Lors d’une intervention approfondie, Bibi Pacôme Mougue a exposé en détail les raisons pour lesquelles il considère que le communiqué du ministre de la culture et du tourisme constitue une tentative de censure inacceptable. Selon le juriste, les mesures proposées dans le communiqué limitent la liberté d’expression artistique en imposant des restrictions sur les paroles et les actes considérés comme obscènes.

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Ci-dessous sa réaction

« Il y a lieu de rappeler au ministre que, dans sa quintessence, l’art ne s’assigne aucune finalité morale. Comme l’explique Les Philosophes, on ne peut attribuer à l’art un rôle d’éducation, puisque la fin de l’art ne peut être le perfectionnement moral, par la purification des passions.

Certes, l’œuvre artistique peut avoir une connotation morale, politique, socio-éducative, etc. Mais, au risque de corrompre son inspiration, l’artiste ne se contraint, en principe, pas dans sa créativité pour se conformer à une injonction ou à une exigence morale, politique, ou socio-éducative.

Contrairement à Aristote, Hegel expose clairement cette nuance dans son introduction aux leçons d’esthétique : « On ne peut nier qu’un des effets de l’art soit d’adoucir et d’épurer les mœurs. En offrant l’homme en spectacle à lui-même, il tempère la rudesse de ses penchants et de ses passions ; il le dispose à la contemplation et à la réflexion ; il élève sa pensée et ses sentiments en les rattachant à un idéal qu’il lui fait entrevoir, à des idées d’un ordre supérieur.

L’art a, de tout temps, été regardé comme un puissant instrument de civilisation, comme un auxiliaire de la religion : il est avec elle le premier instituteur des peuples ; c’est encore un moyen d’instruction pour les esprits incapables de comprendre la vérité autrement que sous le voile du symbole, et par des images qui s’adressent aux sens comme à l’esprit.

Mais cette théorie, quoique bien supérieure aux précédentes, n’est pas non plus exacte. Son défaut est de confondre l’effet moral de l’art avec son véritable but. Cette confusion a des inconvénients qui ne frappent pas au premier coup d’œil. Qu’on prenne garde, cependant, qu’en assignant ainsi à l’art un but étranger, on ne lui ravisse la liberté qui est son essence et sans laquelle il n’y a pas d’inspiration ; et que par-là, on l’empêche d’atteindre les effets qu’on attend de lui ».

Cela dit, ce communiqué ministériel est, à notre avis, censurable parce qu’il porte atteinte à la liberté d’expression et de création artistique légalement consacrée (I) et ce en toute méconnaissance du niveau de protection jurisprudentielle dont jouit cette liberté (II).

I. Un communiqué ministériel portant atteinte à la liberté d’expression et de création artistique

Le communiqué du ministre de la culture porte atteinte à la liberté d’expression et de création artistique parce qu’il impose implicitement et illégalement une obligation morale socio-éducative aux artistes (A) et il menace explicitement ces derniers de leur appliquer l’article 394 du code pénal qui est pourtant difficilement opposable aux artistes (B).

A. L’implicite imposition illégale d’une obligation morale socio-éducative aux artistes par le communiqué ministériel

Le communiqué de presse énonce qu’« en collaboration avec la fédération togolaise de togolaise de musique (FTM) et les professionnels du cinéma, le ministre de la culture et du tourisme prévient que dorénavant, des sanctions allant du retrait de la carte du BUTODRA et de l’attestation d’artiste ou de cinéaste, à la radiation du registre national des artistes et au refus de soutien multiforme du ministère seront appliqués aux auteurs… » des chansons et films aux paroles et actes obscènes.

On soulignera au passage que le ministre de la culture et du tourisme ne définit nullement ce qu’est une chanson ou un film aux paroles et actes obscènes afin de permettre une caractérisation précise des catégories d’œuvres musicales qui entrent dans le périmètre de son entreprise de censure. Cette imprécision est de nature à créer le flou; elle porte en elle le germe d’une insécurité juridique et un risque d’arbitraire.

De plus, s’agissant des artistes de la musique en tout cas, il n’est pas sûr que les sanctions disciplinaires telles qu’énoncées soient conformes aux prescriptions légales. En effet, aux termes de l’article 59 de la loi n°2016-012 du 20 juin 2016 portant statut de l’artiste, les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux artistes par le ministre de tutelle sont, par ordre de gravité et de sévérité croissant le rappel à l’ordre; l’avertissement; le blâme; la suspension temporaire pour une période qui ne peut excéder un (1) an ; le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle ; l’interdiction définitive d’exercer la profession d’artiste.

De ce point de vue, l’on pourrait se demander si le ministre ne fait pas une interprétation erronée et excessive de son pouvoir de sanction en prévoyant, par exemple, le retrait de la carte du BUTODRA a un artiste pour des faits tenant à une œuvre musicale contenant des paroles ou des actes qu’il jugerait obscènes. Encore que, au regard de la gradation des sanctions par l’article 59, le retrait de carte est une mesure grave qui ne peut intervenir qu’après mise en œuvre successive d’une série d’autres mesures préalables comme le rappel à l’ordre, l’avertissement, le blâme, la suspension temporaire ne pouvant excéder une année. Cette interrogation mérite d’être posée d’autant plus que la loi n°91-12 du 10 juin 1991 portant protection du droit d’auteur, du folklore et des droits voisins ne prévoit pas une telle sanction.

Quoiqu’il en soit, les sanctions énoncées en pareilles circonstances viennent en méconnaissance de la consécration par le législateur de la liberté d’expression et de création artistique. L’article 2 de la loi de juin 2016 portant statut de l’artiste dispose en effet que « L’État reconnaît le droit d’accès à l’art, à toute personne et en toute légalité, quel que soit le domaine artistique considéré, et la liberté à tout citoyen d’exercer tout métier artistique, quel que soit son principal domaine professionnel ». De manière plus éloquente, l’article 40 de cette loi dispose que « L’État reconnaît à l’artiste la liberté d’expression artistique et culturelle, et les droits économiques, moraux et sociaux, notamment en matière de revenus et de sécurité sociale ».

Cependant, la loi sur le statut de l’artiste ne consacre aucune obligation morale et éducative à la charge des artistes. Certes, à l’alinéa 2 de l’article 40 de cette loi, le législateur proclame que l’État « reconnaît également la valeur de la créativité artistique dans l’essor de la vie et de l’identité culturelle nationale, et la contribution des artistes aux patrimoines matériel et immatériel, à leur enrichissement et au développement culturel, social, éducatif et économique du Togo ». Toutefois, cet alinéa ne peut être lu comme une obligation, mais doit être entendu comme une marque de considération, une invitation et une exhortation de l’État togolais à l’endroit des artistes togolais pour que ces derniers, notamment à travers leurs œuvres, participent au développement culturel, social, éducatif et économique du Togo.

De même, l’article 47 de cette loi qui dispose que « l’artiste a le devoir de contribuer par ses œuvres au rayonnement de la nation togolaise, tant sur le plan national qu’international » ne peut être compris comme imposant un devoir moral et éducatif aux artistes. Au cas contraire, il n’est pas certain que nous aurions eu bon nombre d’œuvres musicales, littéraires, entre autres, qui font la fierté du Togo en Afrique et au-delà du continent.

Peut-être faudrait-il rappeler, à cet égard, que, malgré ses chansons, ses habillements extravagants, les déhanchements endiablés dans les clips, Nimon Toki Lala a bien fait l’honneur du Togo sur la scène internationale en étant l’une des toutes premières artistes africaines à être lauréate du Prix Découvertes RFI en 1982 ; que cette grande voix du « soukous » a été sur les mêmes scènes que des superstars mondiales ; qu’en 2006, elle a été élevée au rang de chevalier de l’ordre du Mono par le Président de la République.

Il serait également intéressant de rappeler que, quand bien même certaines de leurs chansons et clips comportent des passages qui peuvent choquer les sensibilités morales de certaines personnes, les Toofan, concepteurs du « cool catché » et du « gwéta », sont inconstablement l’un des groupes musicaux qui font la fierté et la notoriété de la musique togolaise sur la scène continentale, ainsi qu’en Europe et un peu partout dans le reste du monde ; qu’ils ont été nominés et lauréats de plusieurs prestigieux prix internationaux comme celui de Meilleur artiste d’Afrique de l’Ouest aux Kundé Awards (2010), Meilleur artiste francophone aux MTV Africa Music Awards en 2014, Meilleur clip d’un artiste africain aux 4syte TV Music Video Awards et Meilleur groupe africain aux Afrima Awards en 2017, qu’en février 2023, ils ont été élevés au rang de citoyens d’honneur de la commune des Lacs 1 ; et qu’ils sont ambassadeurs pour l’UNICEF au Togo depuis 2019.

Il faut le dire et le répéter : l’expression et la création artistique sont, en principe, libres. Le législateur ne peut donc imposer aux artistes une obligation générale et absolue de production d’œuvres qui répondent forcément à une mission morale et socio-éducative, avec des sanctions en cas de manquement. S’il le fait, il se mettrait en porte-à-faux par rapport à la Constitution togolaise qui consacre le principe de la liberté d’expression et celui de la liberté de presse qui sont, toutefois, assorties de la possibilité pour le législateur d’y apporter quelques restrictions justifiées.

En effet, l’article 25 de notre loi fondamentale stipule clairement que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression. L’exercice de ces droits et libertés se fait dans le respect des libertés d’autrui, de l’ordre public et des normes établies par la loi et les règlements. L’organisation et la pratique des croyances religieuses s’exercent librement dans le respect de la loi. Il en est de même des ordres philosophiques. L’exercice du culte et l’expression des croyances se font dans le respect de la laïcité de l’État…».

Et, à l’article 26, le Constituant proclame sans ambages que « la liberté de presse est reconnue et garantie par l’État. Elle est protégée par la loi. Toute personne a la liberté d’exprimer et de diffuser par parole, écrit ou tous autres moyens, ses opinions ou les informations qu’elle détient, dans le respect des limites définies par la loi. La presse ne peut être assujettie à l’autorisation préalable, au cautionnement, à la censure ou à d’autres entraves. L’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice ».

Cette préséance de la liberté d’expression artistique ainsi que de la liberté de presse dont l’exercice est dans une certaine mesure encadré, correspond à la vision du Commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions sous l’arrêt Baldy (CE, 10 août 1917), où il postulait, s’agissant de la mise en œuvre et de l’encadrement des libertés fondamentales, que « La règle est la liberté et la restriction de police l’exception ». Ceci permet aussi d’entrevoir, par la même occasion, la difficile opposabilité de l’article 394 du code pénal aux artistes.

B. L’explicite menace d’une application de l’article 394 du code pénal pourtant difficilement opposable aux artistes

Le communiqué de presse du ministre de la culture et du tourisme stipule qu’« en cas de récidive le ministre se réserve le droit de faire appliquer, conformément à la règlementation en vigueur, l’article 394 du code pénal qui punit toute personne qui diffuse ou fait diffuser publiquement des incitations à des pratiques contraires aux bonnes mœurs par paroles, écrits ou tous autres moyens de communication » et ajoute, comme précédemment indiqué, qu’ « il en sera de même pour les producteurs, les promoteurs, les managers ainsi qu’aux diffuseurs de ces contenus ».

Pour rappel, l’article 394 du code pénal dispose qu’« est punie d’une peine d’emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d’une amende de cinq cent mille (500.000) à deux millions (2.000.000) de francs CFA ou de l’une de ces deux peines toute personne qui :

1. expose publiquement, fabrique ou vend en vue de l’exposition publique des objets, images, films, enregistrements sonores ou audio visuels, contraires à la décence ;

2. distribue ou fait distribuer sur la voie publique ou par voie postale, ou de porte à porte ou encore par voie électronique tous livres, brochures, catalogues, prospectus, images, films, enregistrements sonores ou audio visuels contraires à la décence, sans le consentement préalable des destinataires ;

3. diffuse ou fait diffuser publiquement des incitations à des pratiques contraires aux bonnes mœurs par paroles, écrits ou tous autres moyens de communication ».

Cependant, les incriminations pénales qui peuvent être opposées aux artistes du fait de leurs œuvres doivent nécessairement être articulées avec les garanties fondamentales attachées au statut d’artiste notamment la liberté d’expression et de création artistique dont ils jouissent.

Ainsi, la menace que brandit le ministre de la culture et du tourisme de faire appliquer l’article 394 du code pénal ne saurait prospérer qu’à la condition de prouver que les artistes visés auraient outrepassé, dans leurs œuvres, leur liberté d’expression et de création artistique.

Cet article 394 du code pénal ne peut s’appliquer de la même manière aux artistes comme aux autres justiciables, puisque, comme nous le verrons dans la seconde partie de notre développement, la liberté d’expression et de création artistique dont bénéficient les artistes est une « liberté renforcée » à l’égard de laquelle les juges se refusent généralement de prononcer des sanctions comme ils le feraient pour des individus non-artistes.

Par ailleurs, si cet article devait s’appliquer indistinctement aux artistes comme à tout individu lambda, cela remettrait en cause leur liberté d’entreprise d’autant plus que le ministre entend appliquer ces dispositions non seulement aux artistes eux-mêmes, mais aussi aux producteurs, aux promoteurs, aux managers, ainsi qu’aux diffuseurs de ces contenus.

Or, toutes ces catégories de personnes sont des entrepreneurs qui vivent directement ou indirectement de ces œuvres, dans la mesure où celles-ci satisfont un public de mélomane consommateur de ce type de musiques et contribuent au développement de l’industrie musicale, au même titre que des chansons ne comportant pas de passages susceptibles d’être qualifiés d’obscènes et/ou qui moralisent, conscientisent, le public. Encore que les mécanismes de promotion et de soutien à la création artistique et à la protection sociale de l’artiste tels que prévus aux articles 42, 43, et 49 à 56 de la loi n°2016-012 du 20 juin 2016 portant statut de l’artiste ne sont, pour l’heure, pas véritablement effectifs pour nos acteurs de la musique qui se débrouillent, pour la plupart, pour faire vivre leur art.

Que l’on se souvienne de la polémique qu’avait suscité le communiqué de l’ex-ministre de la culture, Kossivi Egbetonyo, qui proposait d’offrir des formations comme mesures d’accompagnement aux artistes qui désiraient de souscrire des produites du Fonds national pour la Finance Inclusive (FNFI) afin de financer leur projet de reconversion, aux temps forts de la crise sanitaire du coronavirus, quand plus aucun spectacle ou concert n’était organisé et que les artistes imploraient le Gouvernement de leur venir en aide, conformément à la promesse du Chef de l’État de ne laisser personne sur le carreau. Peut-être que si les mécanismes de promotion et soutien à la création artistique et à la protection sociale de l’artiste étaient effectifs avant la pandémie, l’idée de reconversion des artistes n’auraient pas été mise en avant comme mesure d’accompagnement par le ministère de tutelle qui est censé promouvoir le développement de l’art togolais et contribuer à ce que les artistes togolais puissent vivre et s’épanouir grâce à leurs œuvres.

De plus, si l’article 394 du code pénal devrait s’appliquer, sans outre mesure, aux artistes, aux producteurs, aux promoteurs, aux managers, ainsi qu’aux diffuseurs de ces contenus qualifiés d’obscènes par le ministre, il faudrait alors mettre fin à la diffusion de plusieurs films, feuilletons, séries, et événements culturels radio et télédiffusés, et poursuivre les organisateurs et tous les médias qui procèdent à cela. C’est toute une chaîne de valeur qui serait impactée. On peut se demander si le ministre de la culture a mesuré la portée de la mesure annoncée.

Au total, si les dispositions de l’article 394 du code pénal que brandit le ministre de la culture et du tourisme sont facilement applicables aux individus lambda dont les actes incriminés ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une expression ou d’une création artistique, ces dispositions sont, en revanche, et a priori, très compliquées à appliquer lorsqu’on est en présence d’une œuvre artistique.

Un tour d’horizon du contentieux en la matière, par le prisme de la jurisprudence française, en l’absence d’une jurisprudence fournie en droit interne, permet de prendre la mesure de la complexité de la problématique qui tranche avec la simplicité avec laquelle notre ministre de la culture et du tourisme pense la censure musicale, et témoigne de l’approche très méticuleuse qu’adoptent les juges quand ils sont face à des litiges mettant en cause les qualités morales d’une œuvre artistique dans une société laïque et démocratique.

II. Un communiqué méconnaissant la protection jurisprudentielle de la liberté d’expression et de création artistique

Dans le contentieux pénal (A) comme dans le contentieux administratif (B) lorsque les juges sont face à des affaires au centre desquelles se jouent le sort d’un artiste à raison de son œuvre ou de son activité artistique, ils se gardent généralement de faire une application mécanique des prescriptions pénales ou administrative et se montrent d’ailleurs protecteurs de la liberté d’expression et de création artistique.

A. La protection de la liberté d’expression et de création artistique par le juge pénal

Le communiqué du ministre de la culture objet de nos présents développements n’est pas sans rappeler le procès et la condamnation des Fleurs du mal de Charles Baudelaire, par la 6ème chambre correctionnelle de la Seine (en France), le 20 août 1857, pour « délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs », en raison de « passages ou expressions obscènes et immorales ». Cette condamnation sera annulée environ un siècle plus tard, par la cour de cassation française en 1949 et ce recueil de poème du « poète maudit » obtiendra ses lettres de noblesses parmi les grands classiques de la poésie et de la littérature française.

En 2009, les paroles du morceau ‘‘Sale pute’’ d’Orelsan sont épinglées par l’association « Ni Putes Ni Soumises » qui, trouvant certains passages sexistes et de nature à inciter à la haine et à la violence contre les femmes, traduit le rappeur en justice. Mais, le parquet estimait déjà à l’époque qu’« on se trompait d’ennemi ». Selon le procureur, « les femmes battues étaient bien réelles mais n’étaient pas victimes des propos d’un chanteur qui s’exprime dans le cadre de sa liberté d’expression artistique ».

Orelsan, de son vrai nom Aurélien Cotentin, sera relaxé par le tribunal correctionnel de Paris (T. cor. Paris, 12 juin 2012, n°0909823043) qui rappela que les tribunaux ne sont pas juge de la qualité artistique des œuvres. Et, comme le soulignait Maître Tricoire, avocat spécialiste en propriété intellectuelle, dans sa note sous ce jugement, peu importe que ses paroles soient très vulgaires, comme le soutenait la plaignante manifestement inspirée par le procureur Pinard (qui poursuivit Madame Bovary devant la même chambre il y a 150 ans).

Maître Tricoire faisait alors remarquer, à juste titre, que « le genre du rap admet, voire nécessite, un grossissement du trait, auquel, n’en déplaise à la plaignante, le chanteur parvient remarquablement, et peut-être de façon utile, si l’on veut absolument que les œuvres le soient, bien qu’elles n’aient aucun devoir de l’être. N’est-ce pas la fonction de l’art de nous montrer ce que nous ne voulons pas voir, et, par l’imagination, de nous permettre de comprendre ce qui peut passer par la tête d’un jeune homme trompé ? ». Cette remarque interrogative fait écho à la pensée d’Orwell qui considérait que parler de liberté d’expression n’a de sens qu’à la condition que ce soit la liberté de dire ce que les gens n’ont pas envie d’entendre.

Toujours en 2009, à la suite d’un concert au ‘‘Bataclan’’, Orelsan est de nouveau poursuivi en justice, du fait des certaines paroles de chansons qu’il interprète à cette occasion. Cinq associations de défense des droits des femmes à savoir Chiennes de garde, Collectif féministe contre le viol, Fédération nationale solidarité femmes, Femmes solidaires et Mouvement français pour le planning familial poursuivent, à l’époque, le rappeur au titre de l’injure publique à raison du sexe et au titre de l’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination en raison de l’appartenance à un sexe.

Selon ces associations, dans les chansons incriminées, les femmes étaient systématiquement qualifiées de  » putes « , de  » chiennes « , de  » truie « , de  » tasspé  » (pétasses) ou de  » chnecks (filles) avec un QI en déficit « , femmes qui, en tout état de cause, sont juste bonnes à  » se faire péter l’uc « , autant d’expressions outrageantes, dégradantes et méprisantes, constitutives d’injures publiques à raison du sexe. Elles dénonçaient, également, le caractère incitatif à la haine, à la violence et à la discrimination des propos tenus par le chanteur, la femme n’étant qu’un objet de plaisir sexuel pour l’homme sous peine d’être frappée ( » Je peux te faire un enfant et te casser le nez sur un coup de tête  » ou « … Ferme ta gueule ou tu vas te faire marie-trintigner  » et « … J’respecte les schnecks avec un QI en déficit, celles qui encaissent jusqu’à finir handicapées physiques « ). Elles soutenaient aussi l’idée que la conception de la femme véhiculée par les chansons du rappeur pouvait provoquer certains hommes et particulièrement les plus jeunes à un comportement mêlant haine, violence et discrimination à l’égard des femmes.

Pour sa défense, Orelsan faisait valoir que « toutes ses chansons s’inscrivaient dans le cadre d’une œuvre de l’esprit, avec des histoires et des personnages imaginaires, totalement distincts de sa personne et de ses convictions personnelles ». Il clamait ainsi sa liberté de création et d’expression artistique, en expliquant que le personnage tenant les propos incriminés était, comme le titre de l’album le rappelait,  » Perdu d’avance « , compte tenu de la noirceur de ses idées et de la violence de ses sentiments.

Après plusieurs rebondissements judiciaires, la cour d’appel de Versailles, statuant après cassation et renvoi de l’affaire, va décider de relaxer le prévenu. Abondant dans le même sens que la défense, la cour d’appel de Versailles précise, dans son arrêt du 18 février 2016 (15/02687), que ces délits et les formulations incriminées doivent être également analysés au regard de la liberté d’expression, protégée par l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de même qu’à la lumière de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ensuite, dans une formule magistrale, la cour rappelle que « le domaine de la création artistique, parce qu’il est le fruit de l’imaginaire du créateur, est soumis à un régime de liberté renforcé afin de ne pas investir le juge d’un pouvoir de censure qui s’exercerait au nom d’une morale nécessairement subjective de nature à interdire des modes d’expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d’une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie » ; que « ce régime de liberté renforcé doit tenir compte du style de création artistique en cause, le rap pouvant être ressenti par certains comme étant un mode d’expression par nature brutal, provocateur, vulgaire voire violent puisqu’il se veut le reflet d’une génération désabusée et révoltée ».

Puis, la cour expose sa méthode d’analyse pour déterminer l’existence d’une violation de la loi pénale par Orelsan à travers sa musique : « dès lors, il appartient à la cour de rechercher si, au-delà des expressions incriminées, formulées dans le style par définition agressif du rap, l’auteur a voulu d’une part injurier les femmes à raison de leur sexe et d’autre part, provoquer à la violence, à la haine ou à la discrimination à leur égard ou si ses chansons expriment, dans le style musical qui lui est propre, le malaise d’une partie de sa génération ».

Or, estime la cour, « la lecture attentive de l’intégralité de ses textes fait apparaître des personnages que le tribunal a justement qualifié d’anti-héros, fragiles, désabusés, en situation d’échec et [Orelsan] dépeint, sans doute à partir de ses propres tourments et errements, une jeunesse désenchantée, incomprise des adultes, en proie au mal-être, à l’angoisse d’un avenir incertain, aux frustrations, à la solitude sociale, sentimentale et sexuelle ». La cour observe, par ailleurs, qu’Orelsan n’a jamais revendiqué à l’occasion d’interviews ou à l’audience, la légitimité des propos violents, provocateurs ou sexistes tenus par les personnages de ses textes qu’il qualifie lui-même de  » perdus d’avance « , expliquant que ces personnages, produits de son imaginaire, sont aussi le reflet du malaise d’une génération sans repère, notamment dans les relations hommes/femmes.

Pour la cour « il est clair qu’une écoute exhaustive et non tronquée de ses chansons permet de réaliser qu'[Orelsan] n’incarne pas ses personnages, au demeurant particulièrement médiocres dans les valeurs qu’ils véhiculent, qu’il ne revendique pas à titre personnel la légitimité de leurs discours et qu’une distanciation avec ceux-ci permettant de comprendre qu’ils sont fictifs, est évidente ».

Aussi peut-on lire dans la décision de la cour d’appel de Versailles que « la cour n’a pas à juger les sources d’inspiration d’un artiste, même si celles-ci peuvent reposer sur une minorité « perdue d’avance » au regard de la pauvreté et de l’indigence de ses capacités d’expression ». Et la cour souligne que « le rap n’est d’ailleurs pas le seul courant artistique exprimant dans des termes extrêmement brutaux, la violence des relations entre garçons et filles, le cinéma s’en est fait largement l’écho ces dernières années et il serait gravement attentatoire à la liberté de création que de vouloir interdire ces formes d’expressions ».

Selon la cour, « les paroles de ses textes objets de la prévention, par nature injurieuses et violentes à l’égard des femmes lorsqu’elles sont prises isolément, (…) doivent en réalité être analysées dans le contexte du courant musical dans lequel elles s’inscrivent et au regard des personnages imaginaires, désabusés et sans repères qui les tiennent ». À cet égard, conclut la cour, « Les sanctionner au titre des délits d’injures publiques à raison du sexe ou de provocation à la violence, à la haine et à la discrimination envers les femmes, reviendrait à censurer toute forme de création artistique inspirée du mal-être, du désarroi et du sentiment d’abandon d’une génération, en violation du principe de la liberté d’expression ».

Au fond, et tel que l’expliquait l’avocat et professeur Jacques Englebert spécialisé en droit des médias, dans son commentaire sur l’affaire Orelsan, c’est à travers la caractérisation d’«une distanciation non contestable entre celui qui s’exprime et ce qu’il exprime » que le juge détermine si l’artiste est resté sur le terrain de la liberté d’expression et de création artistique ou s’il outrepasse cette liberté et en abuse, en violation d’autres prescriptions.

Pour le professeur Englebert, « comme l’humoriste qui reprend les clichés racistes pour exprimer son humour n’est pas, de ce fait, lui-même raciste, dès lors que le second degré n’est pas douteux, le rappeur qui dépeint une certaine société n’insulte pas et n’incite pas à la violence, dès lors que la distanciation entre l’artiste et le sujet de son œuvre ne fait pas de doute ». Selon lui, « c’est très précisément à cette analyse que se consacre la cour d’appel de Versailles, lorsque les magistrats constatent une distanciation évidente entre le rappeur et « ses personnages » et qu’il « ne revendique pas à titre personnel la légitimité de leurs discours » ».

Aussi, lorsque les litiges mettant en cause des œuvres artistiques sont portés devant lui, le juge administratif adopte-t-il une approche plutôt similaire à celle du juge pénal.

B. La protection de la liberté d’expression et de création artistique par le juge administratif

Le Conseil d’État se montre également protecteur de la liberté de création artistique. Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 2 novembre 2011 (341115), Association Promouvoir, les sages du Palais Royal refusent de censurer un ouvrage sur la « littérature libertine », plus précisément une œuvre de Sade, ‘‘La philosophie dans le boudoir’’, dont des passages étaient considérés comme portant atteinte à la dignité des femmes. La haute juridiction administrative considère « qu’il est constant que l’ouvrage en cause contient des passages qui décrivent des sévices et abus sexuels, font une large place à la violence et portent atteinte à la dignité des personnes, spécialement des femmes ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que cet ouvrage est proposé à la vente, sous forme d’un supplément distinct du journal, dans un emballage ne permettant pas de le feuilleter avant l’acquisition, que sa couverture est neutre, et que rien dans les messages publicitaires conçus pour en promouvoir la vente n’est particulièrement destiné à retenir l’attention des mineurs ; qu’en outre les ouvrages de Sade sont couramment publiés et disponibles sans restriction d’aucune sorte aussi bien dans les bibliothèques publiques que dans les librairies, notamment dans des éditions de poche d’un prix équivalent à celui de la collection dont la diffusion est contestée ; que, par suite, la diffusion dans la collection Les grands classiques de la littérature libertine de La philosophie dans le boudoir, en supplément du journal Le Monde ne présente pas, pour la jeunesse, un danger d’une gravité telle que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de l’espèce en s’abstenant de faire usage des pouvoirs qu’il tient des dispositions citées de la loi du 16 juillet 1949 ; qu’il en résulte que l’Association Promouvoir n’est pas fondée à demander l’annulation du refus implicite attaqué ».

Mi-février 2023, l’exposition au Palais de Tokyo en France d’un tableau dénommé ‘‘Fuck Abstraction !’’ de l’artiste Miriam Cahn, qui montre un enfant en train de faire une fellation à un homme en étant ligoté et à genoux, avait défrayé la chronique et conduit l’Association ‘‘Juristes pour l’enfance’’ à demander au juge administratif, en référé, d’enjoindre son retrait du musée.

Cependant, dans son ordonnance du 28 mars 2023 (n°2306193/9) le tribunal administratif de Paris, après une analyse de toutes les circonstances de droit et de fait entourant la création, puis l’exposition de ce tableau au Palais de Tokyo, décida du maintien de son accrochage et de son exposition.

Pour le tribunal ce ‘‘Fuck abstraction !’’ « ne saurait être compris en dehors de son contexte et du travail de l’artiste Miriam Cahn qui vise à dénoncer les horreurs de la guerre, ainsi que cela est rappelé dans le document de présentation de l’événement distribué au public. » ; le Palais de Tokyo a mis en place un dispositif de présentation avec une carte placée près de l’œuvre et qui « précise que cette dernière traite de la façon dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre et fait référence aux exactions commises dans la ville de Butcha en Ukraine lors de l’invasion russe. » ; depuis le début de l’exposition de cette œuvre, l’organisme culturel n’a reçu aucune « plainte ou signalement » de la part de visiteurs.

Dans son ordonnance du 14 avril 2023, le Conseil d’État confirme la solution du tribunal administratif de Paris en considérant au bout d’une analyse contextuelle quasi-identique qu’« il résulte de tout ce qui précède que l’unique intention de l’artiste est de dénoncer un crime et que la société Palais de Tokyo a entouré l’accès au tableau « Fuck abstraction ! » de précautions visant à en écarter les mineurs non accompagnés et dissuader les personnes majeures accompagnées de mineurs d’y accéder, et que cette société a fourni, sur le chemin menant à l’œuvre, les éléments de contexte permettant de redonner à son extraordinaire crudité le sens que Miriam Cahn a entendu lui attribuer. Dans ces conditions, l’accrochage de ce tableau dans un lieu dédié à la création contemporaine et connu comme tel, et accompagné d’une mise en contexte détaillée, ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant ou à la dignité de la personne humaine ».

Il ne faut nullement déduire de ces décisions que les artistes jouissent d’une immunité juridictionnelle absolue sur le fondement de la liberté d’expression et de création artistique. La condamnation de l’humoriste franco-camerounais Dieudonné Mbala pour injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce les personnes juives, à raison de propos tenus publiquement au cours d’un spectacle qui s’est déroulé le 26 décembre 2008 dans la salle du Zénith, participe de l’idée que la consécration de la liberté d’expression et de création artistique n’est pas un blanc-seing laissé aux artistes et ne leur confère aucunement une protection générale et absolue contre des condamnations pénales (ou des sanctions administratives).

À ce propos, la cour d’appel de Paris, confirmant le jugement de la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, précisait justement que : « si Dieudonné M’Bala M’Bala revendique son droit à la liberté d’expression et, en quelque sorte, l’immunité dont devrait bénéficier la création artistique à vocation humoristique, il doit être rappelé que ces droits, essentiels dans une société démocratique, ne sont pas sans limites, tout spécialement lorsqu’est en cause le respect de la dignité de la personne humaine, ce qui est le cas en l’espèce, et lorsque les actes de scène cèdent la place à une manifestation qui ne présente plus le caractère d’un spectacle » (CA Paris, 17 mars 2011, confirmé par Cass. Crim., 16 oct. 2012, et CEDH, M’Bala M’Bala c./ France, du 20 octobre 2015).

Il y a deux siècles en arrière, « Fuck abstraction ! » aurait été retiré, et l’artiste et le musée auraient été poursuivis puis condamnés, comme ce fut le cas des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire et de sa maison d’édition. La situation a beaucoup progressé depuis. Ce changement de paradigme rend compte de l’évolution des mœurs dans les sociétés laïques et démocratiques.

Cette évolution se fait l’écho de l’approche d’Hauriou qui considérait que l’ordre public est « un ordre matériel et extérieur », tout en intégrant les mutations du cadre conceptuel de cette notion. En principe, la police administrative n’a, en effet, pas vocation à imposer un ordre moral interne aux individus, de sorte à saisir et à réguler ce qui se passe dans le for intérieur ou dans la vie privée des administrés.

Mais l’autorité de police se sent concerné et interpellé en cas d’extériorisation ou de manifestation publique de ce qui se pense ou se passe dans l’esprit ou l’intime des administrés au regard des conséquences de cette extériorisation ou de cette manifestation dans l’espace public (physique ou virtuel/cyberespace), sur le reste du corps social ou seulement sur des catégories de personnes déterminées, ou encore sur l’intérêt général.

Ainsi, lorsqu’une œuvre ou une activité artistique est de nature à troubler l’ordre public, ou à porter atteinte à la moralité publique (CE, section, 18 décembre 1959, Société des films Lutetia) ou à la dignité humaine (CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge), l’autorité investie du pouvoir de police est en droit d’intervenir pour encadrer sa publication, sa diffusion, son exploitation, sa projection, sa représentation.

Cette présentation synoptique de l’état du droit togolais sur la liberté artistique et symphonique de la jurisprudence française rend compte des enjeux et des défis de la censure artistique dans un contexte laïque et démocratique. En effet, de nos jours le curseur de la censure s’est globalement déplacé du stade de la création même de l’œuvre pour se positionner sur la phase de sa diffusion et de son exploitation. Désormais, en dehors des exigences de la sécurité publique, des questions de racismes, d’antisémitismes, de dignité humaine, la création artistique est en principe libre. C’est surtout l’exploitation et la diffusion qui sont généralement encadrées. Autrement dit, les artistes peuvent, en principe, créer les œuvres selon leur inspiration, mais la publication, l’exploitation, la diffusion, la représentation de celles-ci peuvent être interdites par les pouvoirs publics au nom de la sécurité publique, de la dignité humaine, de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, ou restreintes pour préserver la moralité publique et protéger les enfants.

Les mesures de contrôles et de censure pouvant être mises en œuvre sur le fondement de la moralité publique et de la protection des enfants peuvent, entre autres, consister en l’obligation de prévoir un dispositif d’avertissement du public sur le contenu sensible des œuvres musicales en question, ou en la classification de ces œuvres dans des catégories particulières soumises à des régimes plus coercitifs et plus couteux s’agissant des autorisations et de la fiscalité, ou encore en l’imposition du floutage des sons et des images des parties portant atteinte à la moralité publique ou à l’éducation des enfants, ou enfin, à la restriction de l’accès à ces œuvres aux mineurs jusqu’à un certain âge, l’interdiction générale et absolue relevant de l’exceptionnel. Voilà une palette de mesure qui sont à la disposition du ministre de la culture et du tourisme et dont il peut user avec le concours de la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication, les institutions de contrôles du cyberespace en général et les sites de diffusions et de streaming de musique en particulier.

Au demeurant, il convient de rendre effectifs et efficaces les mécanismes de promotion, de soutien à la création artistique et de protection sociale des artistes. Le ministre devrait, par exemple, veiller au respect scrupuleux du quota de diffusion des œuvres d’artistes togolais via les canaux audio-visuels installés au Togo, prévu à l’article 42 de la loi portant statut de l’artiste, et fixé à 60% à l’article 47 de l’arrêté n°04/HAAC/19/P portant cahier des charges et obligations générales des sociétés de radiodiffusion sonore et de télévision privées commerciales, et à l’article 39 de l’arrêté n°05/HAAC/19/P portant cahier des charges et obligations générales des sociétés de radiodiffusion sonore et télévision communautaires. Aussi, l’accent devrait-il être mis sur la sensibilisation des artistes, des acteurs du monde de la musique, du public en particulier des jeunes, des enfants, mais aussi des parents qui doivent jouer leur partition dans l’éducation de leurs enfants.

Mais, pour l’heure, entre culture de l’inculture et inculture de la culture, le rap togolais semble être pris en filature et obliger de passer sous les fourches caudines du ministère de la culture, pour être jeté en pâture, sur l’autel sacrificiel des bonnes mœurs.

Lorsque recours sera fait à ses bons offices, le juge togolais saura-t-il se hisser en héros de l’anti-héros ou prononcera-t-il, de façon lapidaire, la sentence qui décapitera la punchline du gangster et vouera Conii et ses compairs aux gémonies ? Rien n’est moins sûr, rien n’est moins sombre, rien n’est moins hardcore. »

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